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Participants à une marche des Fiertés lors de la 21e conférence internationale sur le sida à Durban, Afrique du Sud, juillet 2016.  © 2016 Pride Afrique

Ces jours-ci, les mauvaises nouvelles concernant des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT) font régulièrement les gros titres des médias sur l’ensemble du continent africain. Les personnes LGBT sont insultées par des agents publics, attaquées et tuées par des policiers et des membres de groupes d’autodéfense, et se voient refuser l’accès à la justice et à la dignité. Souvent, ces propos et actes néfastes sont justifiés comme faisant partie intégrante des « valeurs africaines ». Mais le concept de panafricanisme devrait en fait embrasser – voire aimer – les peuples africains dans toutes leurs diversités.

En tant que philosophie politique et projet ancré dans la croyance en l’unité, l’histoire commune et l’objectif commun des peuples d’Afrique, le panafricanisme promeut l’autodétermination et la libération totale. Il se caractérise aussi par un engagement à tisser des liens plus étroits entre les Africains à l’intérieur et à l’extérieur du continent. Mais l’établissement des liens nécessaires pour atteindre ces objectifs n’est pas possible sans amour ni solidarité. Reconnaître l’existence des personnes queers et trans africaines et leurs droits à un traitement équitable et à la sécurité est en réalité essentiel à la libération de l’Afrique.

Les politiques et actions anti-LGBT sont en hausse sur le continent. L’Ouganda et le Ghana ont durci leurs lois pour persécuter non seulement les personnes LGBT, mais aussi toute personne qui défend leurs droits humains. La crainte est forte de voir le Kenya, le Sénégal, le Burkina Faso, le Mali et d’autres pays adopter également des textes législatifs plus répressifs. Le point commun de ces changements radicaux est l’affirmation par des personnalités publiques que l’homosexualité ou tout ce qui sort de la binarité de genre est « non africain ».

Au nom de la préservation des « valeurs africaines », certains décideurs politiques et dirigeants africains légitiment la violence et les abus à l’encontre des minorités sexuelles et de genre. Au nom de la préservation des valeurs africaines, des dirigeants africains construisent un héritage culturel de haine, d’exclusion et d’hostilité à l’égard d’autres Africains. Au nom de la préservation des valeurs africaines, des enfants sont expulsés de leurs familles et de leurs communautés ; des femmes sont violées en raison de leur orientation sexuelle présumée ; les forces de sécurité arrêtent des personnes LGBT et les torturent en détention ; des personnes sont sauvagement tuées en toute impunité simplement parce qu’elles aiment différemment ; des voix sont réduites au silence en fermant des organisations de la société civile. Mais tout cela ne permet pas de préserver les valeurs africaines, bien au contraire.

En mars, lors d’une conférence en ligne organisée par la Pan-Africa International Lesbian, Gay, Bisexual, Trans and Intersex Association (ILGA), un panéliste du Kenya a déclaré : « Les personnes revendiquant les valeurs panafricaines s’efforcent à tout prix d’étouffer nos voix. Elles affirment que vous ne pouvez pas être panafricain et queer. Pourtant, regardez-moi. Regardez toutes celles et tous ceux qui sont là. Comment peuvent-elles réclamer l’unité de l’Afrique alors qu’elles refusent de voir qui nous sommes et les atrocités qui sont perpétrées contre nous au nom de quoi ? La libération, d’accord, mais pour qui ? »

La haine n’est pas une valeur africaine. L’amour, si. Les hommes et femmes politiques et les autres personnes influentes projettent une version déformée du panafricanisme lorsqu’ils prétendent qu’être LGBT est « non africain ». Ces allégations nourrissent la peur et la violence et inspirent des changements juridiques qui équivalent à de l’homophobie et de la transphobie cautionnées par l’État. Mais lorsque des personnalités influentes affirment que le fait d’être queer est « non africain », elles vont à l’encontre des preuves historiques et anthropologiques de la diversité et des pratiques sexuelles dans les sociétés africaines.

En réalité, quand des personnes qui prétendent représenter le panafricanisme pour résister à l’impérialisme occidental nient les droits des minorités sexuelles et de genre, elles ne font que refléter un point de vue hérité des politiques coloniales, telles que les « lois sur la sodomie », les « crimes contre nature » ou la « grossière indécence ». Ces politiques puisent leurs racines dans le projet impérial européen. La plupart des représentations hégémoniques des femmes et de la sexualité ont été introduites sur le continent par les colonialistes. C’est cette vision eurocentrique qui est maintenant reproduite par des personnes se revendiquant des valeurs panafricanistes à travers leurs insultes et leurs attaques contre les personnes homosexuelles et transgenres africaines.

Il existe des Africains et Africaines qui aiment des personnes du même sexe qu’eux ou qu’elles. Il existe des Africains et Africaines qui ne se reconnaissent pas dans cette image stricte d’un continent peuplé uniquement de personnes hétérosexuelles. Ils et elles ont peur pour leur vie sur une terre à laquelle ils et elles appartiennent pleinement. Leur existence est tout aussi légitime que celle de n’importe quel autre être humain. L’idée d’un « continent homophobe » peut et devrait être remise en question en réimaginant le panafricanisme sous le prisme de l’amour, pour un avenir plus serein.

Les personnes queers africaines ou les personnes queers qui sont Noires ou d’ascendance africaine ne méritent pas moins le droit à la libération de toute persécution et à l’autodétermination. À cet égard, elles ont besoin d’une protection égale devant la loi, et non de droits nouveaux ou spécifiques. Au lieu de véhiculer une image stéréotypée de l’Afrique incapable de reconnaître le genre et la diversité sexuelle, les panafricanistes et les institutions panafricanistes devraient affirmer les identités diverses des peuples africains et faire entendre leur voix lorsque des personnes LGBT africaines sont privées de leurs droits humains fondamentaux à la liberté d’expression, à la vie privée et à la sécurité.

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